Problème et paradoxe / Perte de poids
La perte de poids est une quête, un marché également à l’économie étonnamment développée au regard du peu de résultats obtenus. Ou alors peut-être est-ce que l’idée fondatrice est de ne pas obtenir de résultats (que deviendrait l’industrie des régimes si ils fonctionnaient?)?
Milton H. Erickson décrivait ainsi les problématiques humaines : « Quand le problème est la solution » et énonçait ainsi la fâcheuse habitude qu’a l’être humain de renforcer une stratégie qui ne fonctionne pas : « Faire encore plus de ce qui ne marche pas ».
Si on considère ces simples prémisses en les transposant dans la problématique de la perte de poids, la solution employée de manière réflexe est la restriction : le régime ou ce nouveau phénomène de rééquilibrage alimentaire, terme élégant pour instituer des règles qui en soi sont elles aussi nécessairement restrictives.
Donc si on reprend Erickson, le problème n’est pas le poids, mais la solution mise en place : les régimes. Dans un deuxième temps, ce qui complique est le réflexe humain généralement adopté de renforcer ce qui ne marche pas (ici par exemple multiplier les régimes souvent plus drastiques, carencés et de plus en plus frustrants). Si on tente d’enfoncer un clou et qu’on y arrive pas, le premier réflexe le plus partagé va être de taper comme une mule.
Il est effectivement assez humain que constatant qu’il a des kilos en trop, quelqu’un se dise : « il faut que je fasse attention ». C’est humain mais ça ne veut pas dire que cela fonctionne. Si on observe la réalité, les régimes ne fonctionnent pas.
Argumentation qui peut sembler loufoque au premier abord : quelqu’un de mince ne fait pas de régime, quelqu’un en surpoids fait des régimes (et le surpoids est en général proportionnel à la quantité ou à l’intensité des régimes).
On peut en déduire avec une rigueur quasi aristotelicienne que pour être mince il ne faut pas faire de régime et que pour être en surpoids il faut en faire. Ces propos peuvent sembler hallucinants mais ça l’est bien plus si on y réflêchit de continuer et de renforcer une démarche, les régimes, quand on veut perdre du poids puisqu’il en font prendre.
Paradoxe il y a, mais l’être humain est paradoxal et dès qu’il y a un problème, il y a paradoxe : la vie du thérapeute est bardée de personnes qui boivent pour oublier qu’ils boivent, d’autres se mettant à l’écart pour ne pas être mis à l’écart, sans parler de toutes ces personnes qui souffrent d’anxiété et qui passent leurs journées à s’inquiéter… pour se rassurer. Il y a nécessairement paradoxe s’il y a difficulté, l’individu s’enlisant dans des stratégies qui génèrent ce qu’il veut éviter.
Ce qui est pris pour des stratégies rationnelles se révèle paradoxal, il semble donc fondé de proposer des stratégies paradoxales si on se laisse aller à approfondir la quête de bon sens au-delà de l’illusion restrictive culturelle et sociale (les bébés de sexe féminin sont par exemple moins nourris que ceux de sexe masculin, inconsciemment : la restriction est donc quasi originelle).
Erickson continuait son exposé minimaliste (mais néanmoins théorique et essentiel) ainsi : il faut « arrêter de faire encore plus de la même chose qui ne marche pas pour faire plus de ce qui marche », concepts développés par l’école de Palo Alto. Il convient donc d’arrêter les régimes et autres équilibrages alimentaires (terme plus light mais guère sexy dans la réalité vécue) et de passer à un plan B.
Faire ce qui fonctionne peut se révéler une entreprise complexe pour qui a été à l’inverse pendant des années (voire a été éduqué dans cette démarche erratique). La démarche est donc de désapprendre ce qui ne marche pas et d’apprendre autre chose qui fonctionne.
Article bientôt développé
Jérôme Boutillier, thérapeute et coach, responsable de la formation Thérapie brève des troubles du comportement alimentaire, INCTB Caen.